Intensification des attaques contre la liberté d'expression des avocats et le Comité national pour la libération des détenus d’opinion en Algérie
Les organisations signataires demandent aux autorités algériennes de cesser les poursuites et les intimidations
Paris, le 26 février 2025 - Les organisations signataires ci-dessous suivent avec une grande inquiétude la dégradation rapide et grave de la liberté d'expression et d'opinion en Algérie, et soulignent les violations répétées visant les avocats, notamment ceux du Comité national pour la libération des détenus d’opinion en Algérie[1] (CNLD). Elles dénoncent, dans les termes les plus fermes, les poursuites judiciaires arbitraires, l'interdiction de sortie du territoire national, l'intimidation et les restrictions continues auxquelles sont confrontés ces avocats qui n'exercent que leur droit légitime et fondamental à la liberté d'expression, à la défense de leurs clients et des droits humains, afin de garantir des procès équitables conformes aux normes juridiques et humanitaires.
De nombreux avocats algériens font face à des campagnes de poursuites judiciaires en raison de leurs publications sur les réseaux sociaux. Parmi les noms de défenseurs qui ont été visés par ces poursuites, on trouve les avocats Mehdi Zidan, Sofiane Ali, Abdelraouf Arslane, Omar Boussaâk, Toufik Belalâ, Abdelkader Chahra, Yassine Khalifi et Monir Gharbi. Ces avocats ont été poursuivis en justice, souvent pour des accusations d'« avoir publié des messages publics susceptibles de porter atteinte à l'intérêt national », une infraction définie et punie par l'article 196 bis du Code pénal algérien, en plus de l'accusation d'« insulte à la présidence de la République », prévue et sanctionnée par l'article 144 bis du Code pénal.
Le 16 février 2025, un jugement par contumace a été rendu contre l'avocat Monir Gharbi par le tribunal correctionnel de Sétif, le condamnant à une peine de trois ans de prison, dont deux fermes et un avec sursis, ainsi qu'à une amende de 200 000 dinars algériens. Cette condamnation fait suite à une publication qu'il a partagée sur sa page Facebook, dans laquelle il critiquait un article publié dans un quotidien algérien.
Selon l'organisation Justicia, 46 cas d'arrestation ont été documentés, dont 28 personnes détenues par la police, ainsi que 28 mandats d'arrêt, ce qui témoigne d'une escalade grave de la répression contre les voix dissidentes. Le nombre total de prisonniers d'opinion en Algérie serait actuellement de 243, ce qui inclut des individus arrêtés pour leur défense des droits humains, leurs activités politiques pacifiques ou leur exercice de la liberté d'expression.
Ces poursuites constituent une violation flagrante et grave des droits fondamentaux garantis par la Constitution algérienne ainsi que des obligations internationales de l'Algérie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Elles vont à l'encontre des principes fondamentaux des Nations Unies concernant l'indépendance des avocats et la protection de leur droit à exercer leur métier sans menaces, harcèlements ni restrictions arbitraires.
En menant ces actions répressives contre les militants des droits de l’Homme et opposants en général, et les avocats membres de la défense des détenus d'opinion en particulier, les autorités algériennes adoptent une politique de terreur systématique qui viole de manière évidente le droit des citoyens à un procès équitable et porte atteinte aux fondements de l'État de droit et de la justice.
Ainsi, les organisations signataires réaffirment leur engagement indéfectible à soutenir les droits humains et à défendre les avocats et les défenseurs des droits humains qui font face à des persécutions en raison de leur travail légitime et honorable.
Elles appellent instamment et fermement les autorités algériennes à prendre les mesures suivantes :
La cessation immédiate et définitive de toutes les formes d'intimidations, de poursuites judiciaires arbitraires et de harcèlement à l'encontre des avocats algériens ;
La libération immédiate de tous les prisonniers d'opinion et l'arrêt des poursuites judiciaires dirigées contre les avocats et les activistes, avec l'abandon de toutes les accusations à leur encontre ;
La révision complète des lois répressives utilisées pour restreindre la liberté d'expression, en particulier les articles 196 bis et 87 bis du Code pénal, et la garantie d'un environnement sûr et stable permettant l'exercice des droits humains en toute liberté et sécurité;
Le respect total et l'application des droits fondamentaux à la liberté d'expression et à un procès équitable, conformément aux dispositions de la Constitution algérienne et aux engagements internationaux de l'Algérie.
Organisations signataires :
• Adala For All (Justice pour tous)
• Libertés Algérie
• Justicia
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[1] CNLD : Le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) en Algérie est un collectif de défense des droits humains qui lutte pour la libération des prisonniers politiques et des détenus d'opinion. Il a été créé en réaction à la répression croissante contre les voix dissidentes, notamment après le mouvement du Hirak en 2019.